Nous sommes en train de vivre un changement dans le monde du travail. Pour le moment, nous ne savons pas trop vers quoi il nous conduit. Toute l’économie subit ses effets. C’est le phénomène de l’uberisation, un néologisme qui provient de l’entreprise Uber. Uber a généralisé à l’échelle planétaire son service de VTC (Voiture de Tourisme avec Chauffeur), entrant ainsi directement en concurrence avec les taxis traditionnels. A partir d’une plateforme logicielle, cette entreprise sert d’intermédiaire entre les conducteurs et les particuliers. Elle organise les transactions entre les clients et les sous-traitants indépendants.
Aujourd’hui, aucun secteur n’est épargné par ce phénomène d’uberisation : immobilier, banque, restauration, transport, etc. Comme exemples, on peut citer Airbnb (une plateforme communautaire de location et de réservation de logements de particuliers), Bla Bla Car (leader européen de service de covoiturage), Unilend (crédit bancaire entre particuliers et PME).
Notre mode de consommation est de plus en plus transformé ainsi que le modèle de distribution des richesses. Toute la chaîne des valeurs a été déplacée par Uber et les différentes plateformes de redistribution du travail.
Uberisation rime avec de meilleurs services (fluidité, gain de temps, souplesse, rapidité), une mise en concurrence pour un faible coût.
Mais cette révolution du monde du travail et de l’économie n’est pas sans conséquences.
Rôle du numérique dans ce changement
L’internet a bouleversé toute l’économie en industrialisant le phénomène très rapidement sur toute la planète. C’est l’organisation scientifique de petits boulots qui, soit dit en passant, existaient déjà par le passé. La révolution des applications est une aubaine pour l’intermédiation. Les nouveaux acteurs de l’économie créent donc des plateformes pour servir d’intermédiaires entre les consommateurs et les sous-traitants indépendants.
Précarité de l’emploi
Il s’agit désormais de vendeurs indépendants de services et non de salariés. Les prestations de services sont assurées souvent par des particuliers (travailleurs, chômeurs, mères au foyer, …) qui ne bénéficient pas de vrais contrats de travail, puisqu’il s’agit d’une génération automatique de services. En outre, ils sont assujettis à la demande des clients, ce qui fait varier considérablement leurs revenus d’un mois sur l’autre. Ils sont payés à la tâche.
Le lien de subordination disparaît en partie, car le sous-traitant dépend de toute façon de l’entreprise qui gère la plateforme d’activité.
En retour, le sous-traitant indépendant bénéficie d’une souplesse dans l’organisation de son travail, d’une diversification de ses activités. La plupart du temps, il exerce ce travail à titre complémentaire.
Fiscalité et protection sociale
Les schémas établis de la fiscalité et de la protection sociale sont bousculés.
Les profits passent à travers des circuits plus ou moins longs et on parle souvent d’optimisation fiscale. Comment arriver à reformer la fiscalité pour l’adapter à la nouvelle donne ?
Les différentes obligations qui étaient du ressort de l’employeur (cotisations professionnelles et salariales, formation, protection sociale) ne sont pas supportées par l’entreprise qui fournit les services aux agents. L’agent prestataire de services, généralement particulier, ne dispose ainsi d’aucune garantie sur le plan social. C’est à lui d’assurer efficacement sa protection sociale.
Jusqu’alors, le risque était pris par l’employeur et en retour, l’employé offrait sa force de travail.
Economie collaborative
Nous tendons également vers l’économie collaborative. Avec cette économie, c’est la fin des hiérarchies. Il s’agit d’une économie organisée entre individus. Elle redistribue de la valeur dans l’indépendance et l’autonomie. Elle peut représenter un contre-poids à l’automatisation à outrance du travail. On parle déjà d’environ 42 % à 47 % d’emplois automatisés aux Etats-Unis.
Modèle sociétal de demain
A vrai dire, il ne s’agit pas de création de nouvelles valeurs mais de valeurs distribuées autrement.
Nous sommes dans une nouvelle dynamique. Rien n’est encore fait et malin qui pourra dire de quoi sera fait le monde du travail de demain. Vers quoi ce changement nous conduit ?
Pour ou contre ? Telle ne semble pas être la question. La question est surtout de savoir comment règlementer ce nouveau phénomène dans l’intérêt de tous afin d’éviter les dérives économiques potentielles.
La forme traditionnelle du salariat est de plus remise en question. Malgré les nombreuses questions qui restent sans réponses, ce nouveau système peut être un élévateur social pour les sous-traitants indépendants. Ce nouveau type de travailleur doit pouvoir bénéficier de protection sur le plan juridique au risque d’être son propre fossoyeur dans une précarisation et une nouvelle forme d’exploitation.
Le modèle de protection sociale et la fiscalité sont à adapter aux changements en cours.
Les entreprises traditionnelles doivent également se réinventer de l’intérieur et arriver à intégrer dans leur business les avantages compétitifs créés par les nouveaux acteurs. Ainsi, elles ne parleront plus de concurrence déloyale.
Certes, les technologies apportent des solutions nouvelles et des opportunités. Mais l’économie numérique crée également une nouvelle forme d’insécurité.
Le capitalisme 3.0 est né. Un nouveau modèle social doit donc voir le jour dans un monde, qui en voulant mettre en lien les uns avec les autres, crée de l’insécurité au niveau du travail. Il s’agira de rendre cette nouvelle économie plus inclusive, plus solidaire en imaginant de nouvelles règles plus justes qui protègent tout le monde.
Commentaires récents